NEWS : Rupture brutale de relations commerciales établies : la Cour de cassation fait le point sur l’opposabilité des clauses attributives de juridiction dans l’ordre interne et des clauses compromissoires dans l’ordre international
- NewsletterDans le cadre des contentieux liés à la rupture brutale de relations commerciales établies, la Cour de Cassation a, par un seul et même arrêt du 1er mars 2017, confirmé sa position sur l’opposabilité, d’une part des clauses attributives de juridiction dans l’ordre interne et d’autre part des clauses compromissoires dans l’ordre international.
La rupture brutale des relations commerciales établies, prévue à l’article L.442-6 du Code de Commerce, est sans nul doute la pratique restrictive de concurrence la plus fréquemment invoquée devant les tribunaux français. La force de cette disposition tient en sa capacité à faire échec aux préavis de résiliation jugés insuffisants eu égard notamment à la durée des relations commerciales entre les parties. D’ordre public en droit interne, la question de son caractère d’ordre public international reste incertaine et c’est de cette incertitude que naît tout l’enjeu des clauses attributives de juridiction ou compromissoires dans les contentieux internationaux. En effet, la partie qui se prévaut de l’application de l’article L. 442-6 du Code de Commerce aura tout intérêt à ce que son litige soit porté devant un tribunal français.
C’est donc régulièrement que les tribunaux ont à connaître de vifs débats entre cocontractants qui pour les uns cherchent à écarter les clauses reconnaissant la compétence d’un tribunal ou d’un arbitre étranger et pour les autres cherchent au contraire à les faire appliquer. La Cour de Cassation a ainsi eu l’occasion de reconnaître l’opposabilité de clauses attributives de juridiction aux litiges en lien avec la rupture, « des dispositions d’ordre public fussent-elles applicables au fond du litige », selon désormais la célèbre formule (Civ. 1ère, 22 octobre 2008 n°07-15.823 Monster Cable). En présence d’une clause compromissoire suffisamment large, la Cour de Cassation fait pleinement application du principe compétence-compétence de l’article 1448 du Code de Procédure Civile, qui reconnaît au seul arbitre la possibilité de statuer sur sa propre compétence (Civ. 1ère, 8 juillet 2010, HTC/Doga).
On est ainsi tenté de penser que la religion de la Cour de Cassation est faite en la matière et que l’efficacité des clauses compromissoires et attributives de juridiction dans l’ordre international est établie. Pourtant, aucune circonstance n’est jamais vraiment tout à fait la même. L’on suit donc toujours avec intérêt les arrêts qui construisent la jurisprudence de la juridiction suprême.
En l’espèce, les parties débattaient de la rupture brutale de deux relations contractuelles, l’une fondée sur un contrat de 2005 comportant une clause attributive de compétence au profit des tribunaux de Créteil, l’autre fondée sur 5 contrats de 2011 comportant une clause compromissoire prévoyant un arbitrage à Casablanca.
Après avoir constaté que la Cour d’appel avait souverainement jugé que les deux relations étaient bien distinctes – point qui cristallisait finalement tout l’enjeu du débat – c’est également séparément que la Cour de Cassation a apprécié l’opposabilité des deux clauses insérées dans ces deux séries de contrats.
En application du principe compétence-compétence, la Cour de Cassation commence par valider l’arrêt de la Cour d’appel de Paris ayant déclaré les tribunaux parisiens incompétents au profit du tribunal arbitral de Casablanca, s’agissant de la rupture des relations commerciales fondées sur les contrats de 2011.
Dans l’ordre interne en revanche et s’agissant du contrat de 2005, la Cour rappelle qu’aucune clause attributive de compétence ne saurait faire obstacle à la compétence exclusive des tribunaux spécialisés limitativement énumérés dans le Décret n°2009-1384 du 11 novembre 2009. Elle casse donc sur ce point l’arrêt de la Cour d’appel, qui avait indûment reconnu la compétence du Tribunal de Créteil, aux dépens du Tribunal de commerce de Paris.