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Le casse-tête de la marque 3D

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La validité des marques 3D dont les signes sont constitués de la forme de produits tend à devenir une énigme aussi complexe à résoudre que le Rubik’s Cube.

La Cour de Justice de l’Union Européenne, par un arrêt du 10 novembre 2016, s’est justement penchée sur la validité de la marque constituée du fameux puzzle en trois dimensions :

Un concurrent avait sollicité l’annulation de cette marque au motif que la forme du signe est nécessaire à l’obtention d’un résultat technique. Ce dernier estimait que les stries noires, formant une structure en grille sur les faces du cube, sont indispensables à la rotation du puzzle. Cette forme devait donc rester disponible pour les concurrents, sauf à conférer un monopole sur une solution technique.

Le 25 novembre 2014, le Tribunal de l’Union avait rejeté ce recours. En substance, il a considéré que la capacité de rotation du cube ne se déduisait pas du signe contesté lui-même, mais de la connaissance d’un mécanisme interne du Rubik’s Cube permettant de déplacer les faces du puzzle. Or, l’examen de la validité du signe ne doit porter que sur la représentation graphique de la forme concernée, telle que déposée, et non sur les déductions des capacités techniques qui peuvent être faites de cette forme, capacités invisibles de sa représentation.

La Cour de Justice invalide le raisonnement du Tribunal, pourtant conforme aux principes d’appréciation de la validité des signes. Elle considère que la fonction technique du produit lui-même doit être prise en considération dans l’évaluation de la validité du signe 3D, sans se limiter à sa seule représentation graphique. Autrement dit, le caractère technique de la forme doit être apprécié au regard des fonctions concrètes du produit objet de cette forme.

Cet arrêt fragilise un peu plus les marques 3D, dont le champ de validité tend à se restreindre. En outre, il risque de relancer les batailles autour des marques Rubik’s Cube, dont la validité avait jusque-là toujours été reconnue en France.

Une brèche dans le caractère unitaire de la marque de l’Union européenne

La Cour de Justice de l’Union Européenne a créé une brèche dans le caractère unitaire de la marque de l’Union européenne. Rappelons que ce principe veut que la marque soit protégée de façon uniforme et produise les mêmes effets sur du territoire de l’Union Européenne.

Le titulaire allemand d’une marque de l’Union européenne désignant des produits et services dans le domaine de l’informatique a formé une demande d’interdiction d’usage d’une dénomination, employée par une société concurrente pour des logiciels, sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne.

La particularité de cette affaire reposait sur des motifs linguistiques : il existait un risque de confusion entre les deux signes pour le public germanophone, mais pas pour le public anglophone. Pour celui-ci, l’absence de similarité conceptuelle des signes en cause neutralisait leur similarité phonétique et visuelle.

La juridiction allemande a alors saisi la Cour de Justice afin de déterminer si, lorsqu’un risque de confusion existe sur une seule partie déterminée du territoire de l’Union européenne, les actes de contrefaçon sont caractérisés sur la totalité du territoire ou seulement sur une partie de celui-ci.

Les juges européens ont répondu, par un arrêt du 22 septembre 2016, que l’atteinte aux droits exclusifs du titulaire est caractérisée dès lors qu’existe un risque de confusion même sur une seule partie du territoire de l’Union européenne. Néanmoins, ils ont ajouté qu’en l’absence de risque de confusion dans certains territoires, la mesure d’interdiction d’exploitation du signe litigieux doit être limitée aux territoires où ce risque existe.

Il appartient donc aux défendeurs de prouver que, dans certains Etats membres, pour des raisons linguistiques ou autres, le risque de confusion est exclu. Il leur sera alors possible d’échapper à une mesure d’interdiction générale visant l’ensemble de l’Union européenne.