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La réforme du droit des contrats

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La réforme du droit des contrats est entrée en vigueur le 1er octobre 2016 et régit tous les contrats conclus à partir de cette date. Elle ne manquera pas de poser des problèmes transitoires.

hw&h a proposé, depuis le début du mois de septembre 2016, des formations destinées aux juristes pour appréhender les contours et les enjeux de cette réforme. Nous recommandons une adaptation des formules de contrats à compter du 1er octobre 2016 et une attention particulière pour les avenants et renouvellements qui pourraient être conclus au-delà de cette date.

Les développements qui suivent sont un aperçu des principales modifications apportées par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 concernant le droit des contrats et le régime général des obligations. La réforme porte aussi sur le droit de la preuve, mais les développements qui suivent n’y font pas référence, nous les évoquerons dans une autre présentation.

Le droit de la responsabilité (contractuelle, délictuelle, du fait des produits défectueux) reste pour l’instant inchangé; il fera l’objet d’une autre réforme, en cours d’élaboration.

Objectifs

 Le Code Napoléon, qui a régi le contrat pendant plus de deux siècles sans modifications majeures, impressionnait par l’élégance de son langage et de son écriture. Il s’est trouvé de plus en plus en décalage par rapport à l’évolution des pratiques et des mentalités. La flexibilité du code, qui a permis de trouver des solutions, n’a été rendue possible qu’au prix d’une jurisprudence foisonnante. Cette inflation du droit d’origine prétorienne rendait le code difficilement lisible et compromettait sa compétitivité par rapport aux pays voisins et aux initiatives européennes en matière de droit des contrats.

L’objectif de la réforme a donc été de redonner au droit français des contrats sa lisibilité et sa cohérence pour accroitre son attractivité au plan international. L’ordonnance fait ainsi œuvre de pédagogie et d’organisation, suivant un ordre chronologique de la vie du contrat et faisant un grand effort de définition. Elle codifie tantôt à droit constant la jurisprudence, éclaire parfois une jurisprudence tatillonne et, de temps en temps, redresse une jurisprudence malheureuse. Mais l’ordonnance fait aussi œuvre d’innovation en abandonnant l’emblématique notion de cause ou en admettant la théorie de l’imprévision.

La philosophie et les tendances générales

Le nouveau droit commun des contrats est sujet à plusieurs tendances générales. Le dogme absolu de l’autonomie de la volonté des parties cède la place à une certaine justice contractuelle. Celle-ci se caractérise par une transparence accrue lors de la phase précontractuelle, par l’introduction d’une obligation d’information précontractuelle extensive, et une recherche d’équilibre durant la vie du contrat, notamment par la consécration de la théorie de l’imprévision. La bonne foi voit son domaine d’application étendu : au-delà de la formation et de l’exécution du contrat, elle s’étend désormais à la période précontractuelle et ne se limite pas à la rupture abusive de pourparlers, mais couvre aussi l’initiative et le déroulement de ceux-ci.

S’inspirant du droit spécial de la consommation et du droit des pratiques restrictives de concurrence, le code civil généralise l’interdiction des clauses créant un déséquilibre significatif dans les contrats d’adhésion, qui sont consacrés comme une catégorie particulière de contrats dans le nouveau code.

Enfin, les parties gagnent en autonomie pour décider du dénouement de la relation contractuelle ou des sanctions en cas d’inexécution. Est ainsi consacrée une nullité conventionnelle, une exception d’inexécution par anticipation ou encore la résolution unilatérale du contrat. La place du juge recule mais ses pouvoirs augmentent. Les parties useront de leur autonomie à leurs risques et périls, mais en cas de désaccord ou d’abus, les pouvoirs du juge lui laissent une large part d’adaptation.

Enfin, le code a cédé à l’influence d’une analyse économique du droit en introduisant l’action estimatoire dans le droit commun des contrats, soumettant les restitutions à l’évaluation de leur utilité ou encore refusant l’exécution forcée en nature en cas de disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier.

Focus sur l’ordre public

La grande incertitude du texte est la question de l’ordre public. En effet, si le rapport au president (qui constitue un premier guide d’interprétation émanant du rédacteur du texte) laisse supposer que le caractère d’ordre public devrait être expressément précisé dans les articles concernés, la formulation d’un certain nombre d’articles ou leur objectif manifeste d’être non dérogatoires, entre en contradiction avec cette supposition. Enfin, l’article 6 du code civil, qui continue à soumettre les conventions particulières aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs, n’a pas été modifié. Or, la jurisprudence a toujours interprété cet article comme consacrant une vision virtuelle de l’ordre public. Ainsi, toute norme dont l’impérativité, même implicite, ne fait pas de doute, aura un caractère d’ordre public. Il reviendra à la jurisprudence de dégager le caractère impératif des nouvelles normes.

Les principes directeurs du contrat

Sans dire leur nom, le nouveau code civil consacre trois principes directeurs, dont la valeur n’est pas supérieure aux autres dispositions mais qui permettent de les interpréter et de les encadrer.

La liberté contractuelle (art. 1102), dont le rang constitutionnel a été admis par le Conseil constitutionnel (13 juin 2013, 2013-672 DC) au titre de l’article 4 de la Déclaration des Droits de Homme et du Citoyen, a été officiellement consacrée dans le code civil. Cette liberté, dans son acception positive de choisir son cocontractant, le contenu du contrat et sa forme, et dans son acception négative de refuser de contracter, est soumise au respect de l’ordre public.

La force obligatoire du contrat (art. 1103) est érigée en principe général.

Enfin, la bonne foi (art. 1104) se voit consacrer un champ d’application élargi car elle régira la négociation, la formation et l’exécution du contrat. Ce principe est d’ordre public et affectera, notamment, la période précontractuelle.

La période précontractuelle

Bien que la liberté des négociations précontractuelles continue à régir leur initiative, leur déroulement ou encore leur rupture (art.1112), elle subit un tempérament par l’exigence de bonne foi, qui ne se limitera désormais plus uniquement à la rupture abusive de pourparlers. Toute faute commise dans la négociation donne droit à la réparation de l’intérêt négatif.

Enfin, la période précontractuelle se voit imposer une obligation bilatérale d’information (art. 1112-1), quelle que soit la qualité des parties, c’est-à-dire également entre professionnels. Celle-ci se rajoute à l’obligation de bonne foi et suppose une asymétrie d’informations entre le débiteur et le créancier de l’obligation. Le débiteur doit posséder une information déterminante pour le consentement du créancier que ce dernier doit ignorer légitimement. La même obligation s’applique lorsque le débiteur et le créancier de l’information sont dans une relation de confiance. Cette obligation, qui est d’ordre public, donne droit à réparation en cas de violation.

Enfin, la période précontractuelle se voit explicitement soumise à une obligation de confidentialité (art. 1112-2).

Les avant-contrats

Sont désormais consacrés le pacte de préférence (art. 1123) et la promesse unilatérale de contrat (art. 1224) dans le nouveau code civil.

Le pacte de préférence, dont la définition et le fonctionnement sont classiques, se voit enrichi d’une action interrogatoire, d’application immédiate, permettant au tiers d’obtenir des informations sur l’existence du pacte et les intentions du bénéficiaire. Comme toutes les actions interrogatoires, l’objectif est d’aboutir ainsi à lever une incertitude juridique.

La promesse unilatérale de contrat se voit enfin dotée d’une force juridique supérieure à l’offre avec délai. En effet, le nouveau texte combat la jurisprudence Consorts Cruz (3e Civ., 15 déc. 1993, no 91-10199) qui ne sanctionnait la rétractation du promettant que par des dommages-intérêts et faisait l’objet de vives critiques. Désormais, la promesse unilatérale de contrat bénéficie d’une force obligatoire digne d’un avant-contrat.

La conclusion du contrat

L’offre (art. 1114) et l’acceptation (art. 1118) voient leur régime clarifié puisque le nouveau texte prend clairement partie pour la théorie de la réception, mettant ainsi un terme à une jurisprudence hésitante : la révocation reste ainsi possible avant la réception de l’offre ou de l’acceptation.

Une offre faite avec délai (art. 1116) peut être rétractée mais expose alors le promettant à des dommages-intérêts. A l’expiration du délai, dans le cas d’une incapacité ou encore en cas de décès du pollicitant, l’offre devient caduque (art. 1117). Sur ces points aussi la réforme a le mérite de clarifier une jurisprudence oscillante et d’aboutir à une plus grande cohérence entre une simple offre et un avant-contrat.

La disparition de la cause remplacée par l’équilibre contractuel

L’emblématique causa qui singularisait le droit français en Europe, a été sacrifiée sur l’autel de la modernité. Ses effets ont, toutefois, été maintenus. Désormais, on ne parlera plus de la cause du contrat mais bien de son contenu, qui doit être licite et qui ne peut déroger à l’ordre public ni par son but ni par ses stipulations (art. 1162). Les fonctions de la cause ont été maintenues par la consécration de la jurisprudence admettant la nullité du contrat en cas de contrepartie illusoire ou dérisoire (art. 1169) et la nullité des clauses privant l’obligation essentielle du débiteur de sa substance (art. 1170). Enfin, le déséquilibre significatif réputant non écrites les clauses concernées dans les contrats d’adhésion (art. 1171) participe aussi d’un souci d’équilibre du contrat.

Consécration de la théorie de l’imprévision

La fameuse jurisprudence du Canal de Craponne (6 mars 1876), qui consacrait l’immuabilité du contrat en cas de changement de circonstances imprévisibles, a été abandonnée pour sortir le droit privé français de son isolation européenne et consacrer une idée de justice contractuelle. Rappelons que le juge administratif a admis l’imprévision en droit public en cas de bouleversement de circonstances économiques dès 1916. Désormais, le juge civil peut également réviser le contrat en cas de changement de circonstances qui étaient imprévisibles lors de sa conclusion et dont le changement rend son exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque (art. 1195). Les conséquences d’une imprévision sont graduées : renégociation du contrat ou résolution d’un commun accord, à défaut, possibilité pour les parties de demander au juge une adaptation du contrat d’un commun accord, ou encore la saisine unilatérale du juge par une partie aux fins de révision du contrat.

La transmissibilité du contrat

Le nouveau code civil facilite la cession de créance (art. 1321) et consacre explicitement la cession de contrat (art. 1216) et de dette (art. 1327).

Les trois types de cession se rapprochent de la cession de créances professionnelles et deviennent des contrats solennels.

Pour la cession de créance, la cession de créances futures et la cession de créances à titre gratuit est explicitement admise. Le consentement du débiteur à la cession n’est pas nécessaire et la notification du débiteur a perdu le formalisme que lui imposait l’ancien article 1690.

Pour la cession de dette et de contrat, l’accord du cédé est nécessaire ad validitatem. Le cédé a ensuite la possibilité de libérer le cédant. A défaut, celui-ci reste solidairement responsable avec le cessionnaire. La notification de la cession peut se faire, ici aussi, par simple lettre.

Inexécution

En cas d’inexécution, le créancier dispose désormais d’un arsenal de sanctions regroupé et lisible. Les sanctions peuvent, dans la mesure de leur compatibilité, se cumuler et se compléter.

Outre l’exception d’inexécution classique (art. 1219), l’exécution forcée en nature (art. 1221), la résolution du contrat (art. 1224 et s.) ou la réparation sous forme de dommages-intérêts (art. 1231), le créancier peut demander une réduction du prix (art. 1223) comme en matière de vente. Par ailleurs, une exception d’inexécution par anticipation (exceptio timoris art. 1220) fait son entrée dans le code. L’exécution forcée peut être refusée en cas de disproportion manifeste. Enfin, la clause résolutoire et la résolution judiciaire se voient complétées par une possibilité de résolution unilatérale à ses risques et périls. De manière générale, la totalité des sanctions est mise en œuvre par le créancier sans intervention du juge. Ce n’est qu’en cas de contestation que le juge a vocation à intervenir.