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« Neutre en carbone » – « Respectueux de l’environnement » : les entreprises doivent porter une vigilance particulièrement accrue aux allégations environnementales

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La multiplication des propositions de directives européennes sur les allégations environnementales et la campagne de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) contre le greenwashing témoigne d’une attention particulière des autorités et doit inciter les entreprises à la plus grande vigilance sur cette question.

Une allégation environnementale est une mention qui valorise tout ou partie d’un produit pour ses caractéristiques environnementales1. L’allégation doit être fiable, ne doit pas être trompeuse ou de nature à induire en erreur et elle doit surtout être vérifiable sous peine d’être considérée comme du « greenwashing » ou « écoblanchiment ».

Les allégations environnementales font l’objet d’un nouvel encadrement sur le plan européen afin de réduire les pratiques commerciales d’écoblanchiment.

A ce titre peut être mentionnée la récente directive 2024/825 du 28 février 20242 qui affiche l’ambition de « donner aux consommateurs les moyens d’agir en faveur de la transition verte ». Cette directive a notamment modifié la directive 2005/29 relative aux pratiques commerciales trompeuses en élargissant la définition des allégations environnementales, afin d’inclure « sous quelque forme que ce soit » toutes les communications relatives à un impact écologique positif ou neutre3 :

« Tout message ou toute déclaration non obligatoire en vertu du droit de l’Union ou du droit national, sous quelque forme que ce soit, notamment du texte, une image, une représentation graphique ou un symbole tels que un label, une marque, une dénomination sociale ou une dénomination de produit, dans le cadre d’une communication commerciale, et qui affirme ou suggère qu’un produit, une catégorie de produits, une marque ou un professionnel a une incidence positive ou nulle sur l’environnement, est moins préjudiciable pour l’environnement que d’autres produits, catégories de produits, marques ou professionnels, ou a amélioré son incidence environnementale au fil du temps ».

Par ailleurs, la proposition de directive présentée par la Commission européenne le 22 mars 2023 dite « Green claims », en cours de discussion entre le Parlement et le Conseil, a pour objectif d’encadrer encore plus strictement les allégations environnementales par des procédures de vérification. Cette proposition prévoit notamment que les entreprises fournissent des preuves obligatoires à l’appui de leurs allégations. Les allégations environnementales devront également être claires et compréhensibles et ne pourront plus être vagues ou ambiguës, telles que les mentions de type « produit respectueux de l’environnement », sans explications spécifiques et vérifiables4.

 

En droit français, le code de la consommation et le code de l’environnement encadrent déjà l’usage des allégations environnementales et prévoient des sanctions lourdes en cas de pratiques commerciales trompeuses.

Le code de la consommation et plus particulièrement les dispositions de l’article L. 132-2, prévoient en effet que les pratiques commerciales trompeuses sont punies d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 300 000 euros. Plus spécifiquement, lorsque les pratiques commerciales trompeuses reposent sur des allégations environnementales, le montant de l’amende est porté à 80% des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité.

Le code de l’environnement prévoit lui-même un encadrement plus spécifique quant à l’emploi des allégations environnementales. En particulier, l’article L. 229-68 encadre très strictement l’utilisation de l’allégation « neutre en carbone » :

« Il est interdit d’affirmer dans une publicité qu’un produit ou un service est neutre en carbone ou d’employer toute formulation de signification ou de portée équivalente, à moins que l’annonceur rende aisément disponible au public les éléments suivants :

1° Un bilan d’émissions de gaz à effet de serre intégrant les émissions directes et indirectes du produit ou du service ;

2° La démarche grâce à laquelle les émissions de gaz à effet de serre du produit ou du service sont prioritairement évitées, puis réduites et enfin compensées. La trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre est décrite à l’aide d’objectifs de progrès annuels quantifiés ;

3° Les modalités de compensation des émissions de gaz à effet de serre résiduelles respectant des standards minimaux définis par décret. »

En outre, l’article L.541-9-1 du code de l’environnement interdit de faire figurer sur un produit ou un emballage les mentions « biodégradable », « respectueux de l’environnement » ou toute autre mention équivalente. Par ailleurs, lorsqu’il est fait mention du caractère recyclé d’un produit, il est obligatoire de préciser le pourcentage de matières recyclées effectivement incorporées. De même, il est désormais interdit d’apposer la mention « compostable » sur les produits et emballages en matière plastique dont la compostabilité ne peut être obtenue qu’en unité industrielle.

En cas de manquement, l’annonceur s’expose à une amende administrative de 100 000 euros, pouvant aller jusqu’à l’intégralité des sommes dépensées pour la réalisation de la publicité5.

Le risque d’amende est renforcé par l’existence d’une plateforme gouvernementale de signalement permettant à tout individu (consommateur ou client non satisfait, concurrent, association de protection de l’environnement…) de signaler à l’administration l’existence d’une allégation de neutralité carbone sur laquelle il aurait des doutes.

La DGCCRF a d’ailleurs intensifié ses contrôles. En 2021 et 2022, la DGCCRF a ainsi mené une enquête dédiée au contrôle des allégations environnementales d’une ampleur inédite en contrôlant 1.100 établissements 6.

Très récemment, le 2 août dernier, la DGCCRF a publié un avis temporaire enjoignant publiquement à une entreprise de cesser ses allégations trompeuses, s’orientant vers une forme de « name and shame »7.

 

En droit allemand, les allégations environnementales sont également encadrées par le droit de la consommation et les lois sur la concurrence déloyale, notamment via la Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb (UWG)8. Toutefois, l’approche est un peu différente, privilégiant l’autorégulation des secteurs concernés et s’appuyant sur des règles strictes en matière de certifications environnementales issues des directives européennes et des labels comme le Blauer Engel (l’Ange Bleu), reconnu pour ses normes environnementales élevées9. Enfin, la pratique allemande procède par des enquêtes sectorielles, notamment initiées par le Bundeskartellamt.10

Les cadres réglementaires d’un côté et de l’autre du Rhin devraient toutefois se rapprocher bientôt, sous l’impulsion de la directive à venir ; les entreprises sont d’ores et déjà invitées à une grande vigilance dans le choix des termes et des messages à destination des consommateurs.

 

  1. https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/allegations-environnementales-ce-quil-faut-retenir []
  2. Directive(UE) 2024/825 du Parlement européen et du Conseil du 28 février 2024 modifiant les directives 2005/29/CE et 2011/83/UE pour donner aux consommateurs les moyens d’agir en faveur de la transition verte grâce à une meilleure protection contre les pratiques déloyales et grâce à une meilleure information []
  3. Article 1er de la directive 2024/825 []
  4. https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_23_1692 []
  5. Article L. 229-69 du code de l’environnement []
  6. https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/bilan-de-la-premiere-grande-enquete-de-la-dgccrf-sur-lecoblanchiment-des-produits-non-0 []
  7. https://www.rsedatanews.net/article/article-gouvernance-reglementation-rse-environnement-greenwashing–pas-de-repos-pour-les-matelas-202 []
  8. https://www.gesetze-im-internet.de/uwg_2004/BJNR141400004.html []
  9. https://www.blauer-engel.de/en/blue-angel/our-label-environment/developed-scientific-basis []
  10. https://www.bundeskartellamt.de/EN/Tasks/Sector_inquiries/Sector_inquiries_node.html []