Covid-19 & Droit social
(dernière màj : 22/04/20)
Dans le contexte de la crise sanitaire actuelle, le dispositif destiné aux entreprises en matière sociale s’articule autour de deux mesures « phares » : l’activité partielle (1) et la prise de jours de congés -ou de jours de repos- imposée ou modifiée par l’employeur (2).
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1/ Dispositif exceptionnel d’activité partielle
Le décret n°2020-325 du 25 mars 2020 renouvelle le dispositif de l’activité partielle issu de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013.
Schématiquement, le nouveau dispositif doit permettre aux entreprises de faire face à une baisse d’activité liée à la crise sanitaire en cours, à travers :
- un recours facilité à l’activité partielle :
- dématérialisée, la demande d’autorisation est possible après la mise en place effective de l’activité partielle dans l’entreprise, avec effet rétroactif ;
- le délai de 30 jours accordé aux entreprises par le décret du 25 mars 2020 pour faire la demande d’autorisation est provisoirement écarté par le Ministère du travail au profit d’une date butoir fixée au 30 avril 2020 ;
- l’avis du CSE peut être transmis à l’administration dans les 2 mois suivant la demande d’autorisation ;
- la réponse de l’administration intervient sous 48 heures après la demande ;
- l’absence de réponse dans les 48 heures vaut acceptation implicite de la demande ;
- l’autorisation peut être délivrée pour une période maximale de 12 mois (contre 6 mois auparavant) ;
- le contingent d’heures indemnisables passe de 1000 à 1607 heures maximum.
- un recours élargi à l’activité partielle :
- en cas de simple réduction de l’horaire collectif de travail sans fermeture de l’établissement, l’activité partielle « nouvelle formule » peut désormais s’appliquer aux salariés au forfait en jours ou en heures sur l’année ;
- les cadres dirigeants peuvent être concernés par le nouveau dispositif d’activité partielle, mais seulement dans le cas d’une fermeture de l’établissement ;
- les salariés protégés peuvent se voir appliquer l’activité partielle sans qu’il soit nécessaire de recueillir leur accord, dès lors que l’activité partielle affecte tous les salariés de l’entreprise, de l’établissement, du service ou de l’atelier auquel ils sont affectés ou rattachés.
- une indemnisation garantie pour les salariés :
- le taux de l’indemnisation par l’employeur des heures chômées est maintenu à 70 % du salaire brut (84 % du salaire net environ) ;
- l’indemnisation liée à l’activité partielle ne peut pas avoir pour effet de réduire la rémunération du salarié qui travaille à temps complet à un montant inférieur au Smic net ; dans cette hypothèse, l’employeur doit verser au salarié une allocation complémentaire ;
- le taux horaire de l’indemnité d’activité partielle versée aux salariés à temps partiel est également encadré par le taux horaire du Smic.
- une aide renforcée pour les entreprises :
- proportionnelle et non plus forfaitaire, l’allocation d’activité partielle versée à l’employeur couvre 100 % de l’indemnisation des heures chômées (à hauteur de 70 % du salaire brut), dans la limite d’une rémunération de référence de 4,5 Smic ;
- le taux horaire minimum de l’allocation d’activité partielle est fixé à 8,03 Euros ;
- les indemnités d’activité partielle et les indemnités complémentaires éventuellement versées par l’employeur (accord collectif ou décision unilatérale) sont soumises aux taux de charges sociales de 6,2 % (CSG) et 0,5 % (CRDS) après abattement pour frais professionnels (1,75 %).
Annoncée par la loi d’urgence du 23 mars 2020, l’ordonnance n°2020-346 du 27 mars 2020 est venue compléter et préciser le nouveau dispositif d’activité partielle par diverses mesures transitoires – pour une durée d’application limitée au 31 décembre 2020.
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L’ordonnance du 27 mars 2020 prévoit un décompte des heures d’activité partielle pour les salariés au forfait-jours « en convertissant en heures un nombre de jours ou demi-journées ». Elle est complétée sur ce point par le décret n°2020-435 du 16 avril 2020, publié au Journal Officiel du 17 avril 2020 :
- pour les salariés au forfait en jours ou en heures sur l’année, les heures, jours ou demi-journées non travaillés au titre du dispositif exceptionnel d’activité partielle sont convertis en heures à raison de :
- 3 heures 30 d’activité partielle pour une demi-journée non travaillée ;
- 7 heures d’activité partielle pour un jour non travaillé ;
- 35 heures d’activité partielle pour une semaine non travaillée.
- les mêmes modalités de conversion s’appliquent aux jours de congés payés et de repos pris au cours de la période d’activité partielle, ainsi qu’aux jours fériés non travaillés qui correspondent à des jours ouvrés.
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EN PRATIQUE/ INDEMNITE & ALLOCATION D’ACTIVITE PARTIELLE (CALCUL)
Le décret n°2020-435 du 16 avril 2020 apporte d’autres précisions essentielles en ce qu’il distingue les éléments de rémunération qui doivent être pris en compte ou au contraire exclus de l’assiette de calcul de l’indemnité et de l’allocation d’activité partielle.
Le Ministère du travail a mis en ligne un vademecum très utile sur ce point.
Le taux horaire de base est ainsi déterminé en incluant les majorations liées au travail de nuit ou au travail dominical. Les primes calculées en fonction du temps de présence du salarié doivent également être prises en compte dans le calcul, comme les éléments de rémunération variable.
En revanche, les heures supplémentaires et leur majoration sont exclues du calcul du taux horaire, comme les primes d’intéressement ou de participation, les primes ou indemnités ayant le caractère de frais professionnels, les primes qui ne sont pas affectées par la mise en activité partielle, ou encore la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat.
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EN PRATIQUE/ ACTIVITE PARTIELLE ET DONNEES PERSONNELLES
Le nouveau dispositif d’activité partielle comporte également des aménagements qui ont trait aux données personnelles :
- le bulletin de paie doit comporter le nombre des heures indemnisées au titre de l’activité partielle ainsi que le taux appliqué et les sommes versées au salarié ;
- ces informations accessibles au Ministère du Travail constituent une nouvelle catégorie de « données à caractère personnel enregistrées » au sens de l’article R.5122-21 du Code du Travail.
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2/ Dispositif exceptionnel relatif aux jours de congés payés et aux jours de repos
Pour faire face aux circonstances exceptionnelles liées à l’épidémie de covid-19 et par des mesures unilatérales dont l’effet ne peut porter au-delà du 31 décembre 2020, l’employeur peut, à condition d’observer un délai de prévenance d’un jour franc :
- être autorisé par accord collectif d’entreprise ou à défaut par accord de branche à imposer la prise de congés payés acquis par le salarié (y compris avant la période au cours de laquelle ils ont vocation à être pris) ou à modifier les dates de prise de congés payés, dans la limite de 6 jours de congés ;
- du fait de difficultés économiques liées à la propagation du covid-19 et dans la limite de 10 jours de repos, imposer la prise de jours de repos à des dates qu’il détermine ou modifier les dates de prise de jours de repos. En ce sont compris :
- les jours de repos prévus dans un dispositif conventionnel d’aménagement du temps de travail,
- les jours de réduction du temps de travail prévus par accord collectif,
- les jours de repos prévus par une convention de forfait,
- l’utilisation des droits affectés sur le compte épargne temps par la prise de jours de repos.
Les modalités précises de ce nouveau dispositif sont prévues par l’ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020. Elles sont complétées par l’ordonnance n°2020-389 du 1er avril 2020 qui prévoit une information du CSE « sans délai et par tout moyen », le CSE disposant alors d’un mois pour rendre son avis – étant précisé que l’avis du CSE peut intervenir après que l’employeur a eu recours aux nouvelles mesures.
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EN PRATIQUE/ LE DEPOT DES ACCORDS COLLECTIFS
Dans un « Questions-Réponses » dédié au dialogue social (à jour au 17 avril 2020), le Ministère du travail précise les termes de la « codification adaptée » lors de la procédure de dépôt des accords collectifs pris en application de l’ordonnance du 25 mars 2020 « portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos » : « Lors de la saisie dans l’onglet « thèmes », le thème déclaré de niveau 1 doit être renseigné de la manière suivante : la modalité « Autres thèmes (Rémunération, Durée et aménagement du temps de travail, etc.) doit être cochée, accompagnée de la mention rédigée « COVID ». »
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EN PRATIQUE/ NEGOCIATION COLLECTIVE ET CONSULTATION DU CSE A L’HEURE DU CONFINEMENT
Les modalités pratiques de la négociation collective face au confinement ont été adaptées au contexte de la crise sanitaire :
- le « Questions-Réponses » précité fournit une documentation technique au sujet de la négociation collective notamment :
- https://travail-emploi.gouv.fr/le-ministere-en-action/coronavirus-covid-19/questions-reponses-par-theme/article/dialogue-social-au-sein-de-l-entreprise
- Ce document fournit de précieux renseignements sur la possibilité d’organiser les réunions de consultation ou de négociation collective à distance, ou encore sur la signature à distance des accords collectifs.
- les modalités de la consultation des instances représentatives du personnel sont également adaptées et encadrées par un dispositif réglementaire, dans le contexte de crise sanitaire actuel :
- l’ordonnance n°2020-389 du 1er avril 2020 prévoit le recours à la visioconférence, à la conférence téléphonique et à la messagerie instantanée notamment pour la consultation des instances représentatives du personnel ;
- le décret n°2020-419 du 10 avril 2020 « relatif aux modalités de consultation des instances représentatives du personnel pendant la période de l’état d’urgence sanitaire » est paru Journal Officiel du 11 avril 2020. Il comporte diverses précisions sur le dispositif technique mis en œuvre et plus largement sur l’organisation de la réunion tenue en conférence téléphonique ou par messagerie instantanée.