Réclamation des non-résidents européens et suisses ayant été soumis en France à cotisations sociales sur leurs revenus du patrimoine
- A la uneDans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, les députés français ont adopté un amendement visant à mettre fin à l’assujettissement à cotisations sociales des revenus de patrimoine de source française réalisés par les non-résidents.
Cette mesure a notamment pour objectif de mettre la réglementation française en conformité avec la réglementation européenne.
Rappelons en effet que depuis 2012, les revenus du patrimoine de source française des non-résidents sont assujettis en France aux prélèvements sociaux.
Par une décision du 26 février 2015 « de Ruyter », la CJUE avait jugé que des résidents fiscaux en France affiliés à un régime de sécurité sociale dans un autre État membre de l’UE ne pouvaient être assujettis à des prélèvements sur leurs revenus du capital affectés à des organismes servant des prestations sociales contributives françaises.
Le Conseil d’Etat s’est ensuite rallié à la position de la CJUE dans des arrêts du 17 avril 2015[1] et 27 juillet 2015[2].
Tirant les conséquences de la jurisprudence fiscale interne et communautaire le Ministère des finances publiques français avait alors publié un communiqué afin d’informer les contribuables soumis à tort – entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2015 – aux prélèvements sociaux sur les revenus de leur patrimoine qu’ils pouvaient en obtenir le remboursement.
Afin de bénéficier de ce remboursement le contribuable devait justifier qu’il était affilié à un régime de sécurité sociale d’un pays autre que la France situé dans l’Union européenne, l’Espace économique européen (EEE) ou la Suisse[3].
Par ailleurs, afin de se mettre en conformité avec la jurisprudence fiscale interne et communautaire, le Gouvernement français a également décidé à compter de 2016 de réaffecter le produit des prélèvements sur les revenus de patrimoine – et notamment les plus-values immobilières – hors des régimes de la sécurité sociale au sens du droit de l’Union européenne, c’est-à-dire à des organismes qui servent des prestations non conditionnées à l’affiliation à un régime de sécurité sociale français[4].
Cette réaffectation visait à contourner la jurisprudence fiscale interne et communautaire qui interdit d’imposer en France une personne affiliée à la sécurité sociale dans un autre Etat membre. En effet, dans la mesure où les cotisations sociales ainsi perçues par la France ne servent pas des prestations conditionnées à l’affiliation à un régime de sécurité sociale français, la règle de non double imposition à des cotisations sociales ne trouve pas à s’appliquer.
Un contentieux s’est élevé contre cette nouvelle affectation, considérant que la nouvelle affectation des cotisations sociales ne permettait pas de les exclure du champ d’application du règlement européen sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.
Par un arrêt du 31 mai 2018, la Cour d’appel de Nancy[5] a finalement jugé que l’affectation des cotisations sociales décidée par la loi de financement de la sécurité sociale était toujours contraire à la jurisprudence européenne.
En revanche, par décision du 18 janvier 2018, la CJUE[6] a considéré que l’assujettissement aux prélèvements sociaux sur les revenus du capital en France des personnes affiliées à la sécurité sociale dans un État tiers à l’UE ou à l’EEE ou la Suisse est compatible avec la liberté de circulation des capitaux.
Par conséquent, sans attendre, la publication du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, nous vous conseillons, si vous remplissez les critères suivants, d’introduire une réclamation auprès de l’administration fiscale :
► Dans quels cas obtenir le remboursement des cotisations sociales ?
Vous avez été imposés en France sur des revenus fonciers et/ou des plus-values immobilières, alors que vous êtes affiliés à un régime de sécurité sociale d’un autre Etat de l’Union Européenne, de l’EEE ou de la Suisse.
► Etes-vous dans les délais pour introduire une réclamation ?
- Pour les cotisations sociales perçues sur les revenus fonciers, rentes viagères, plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux : la réclamation doit être déposée au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant leur mise en recouvrement
Ex : un ressortissant allemand domicilié en Allemagne et soumis à la sécurité sociale allemande qui a perçu des revenus fonciers en 2015, mis en recouvrement en 2016, devra introduire une réclamation avant le 31 décembre 2018. - Pour les cotisations sociales perçues sur les plus-values immobilières : la réclamation doit être déposée au plus tard le 31 décembre de la 2ème année qui suit celle au cours de laquelle les retenues à la source et prélèvements ont été opérés.
Ex : un ressortissant allemand domicilié en Allemagne et soumis à la sécurité sociale allemande qui a vendu un bien immobilier situé en France en 2016 et réalisée une plus-value immobilière soumise à prélèvement sociaux en France, devra introduire une réclamation avant le 31 décembre 2018.
► Quels sont les montants récupérables ?
Vous pouvez obtenir le remboursement des prélèvements sociaux payés ainsi que des intérêts moratoires pour chaque mois à compter du jour du paiement à l’administration fiscale.
[1] CE, 17 avril 2015, n°365511
[2] CE, 27 juillet 2015, n°334551
[3] Communiqué de presse du Ministère des finances et des comptes publics du 20 octobre 2015
[4] LOI n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016
[5] CAA Nancy, 31 mai 2018
[6] CJUE 18 janvier 2018