Réforme de la garantie de conformité suite aux directives européennes de 2019
- A la uneEn France, le gouvernement a réformé par ordonnance le Code de la consommation pour transposer les dernières directives européennes en matière de vente (2019/770 et 2019/771 du 20 mai 2019). Cette ordonnance n°2021-1247 a été publiée au Journal Officiel le 29 septembre 2021. Les dispositions de l’ordonnance s’appliqueront aux contrats de vente de biens et à la fourniture de contenus numériques et de services numériques conclus à compter du 1er janvier 2022.
Ces directives européennes apportent notamment deux innovations majeures :
- l’adaptation de la garantie de conformité aux biens intégrant des éléments numériques, ainsi qu’aux services et contenus numériques, et
- la qualification des données personnelles du consommateur comme une contrepartie des contenus ou services numériques proposés.
En Allemagne, la transposition de ces deux directives a apporté des changements importants du droit allemand de la vente, essentiellement pour la vente de biens de consommation, à compter du 1er janvier 2022.
Le législateur allemand a en effet adopté, dès le 25 juin 2021, la « Loi relative à la vente de biens comportant des éléments numériques et d’autres aspects du contrat de vente » (Gesetz zur Regelung des Verkaufs von Sachen mit digitalen Elementen und anderer Aspekte des Kaufvertrags).
Une nouveauté importante réside dans le fait que la notion de défaut matériel et les règles de garantie visent désormais les biens à contenu numérique (par exemple les objets ménagers intelligents). La loi définit ainsi spécifiquement la notion de « défaut » pour les biens intégrant des éléments numériques (§ 475b et § 475c BGB), dont notamment l’absence de mise à jour pendant une période prédéterminée.
En France, la garantie légale de conformité est également étendue aux biens meubles corporels comportant des éléments numériques ainsi qu’aux contenus et services numériques.
D’une manière générale, la conformité d’un bien nécessite désormais la présence cumulative de 3 éléments : la conformité aux attentes subjectives des parties, aux exigences objectives, et aux exigences d’installation si l’installation fait partie du contrat et si elle a été effectuée sous la responsabilité du vendeur (§ 434 BGB).
En France, l’ordonnance du 29 septembre 2020 ajoute comme critères de conformité la durabilité, la compatibilité, la disponibilité des dernières versions et mises à jour d’un logiciel et l’usage spécial recherché par le consommateur dont le vendeur a eu connaissance.
Si la durée de la garantie légale de conformité reste fixée à deux ans, la présomption d’antériorité du défaut (charge de la preuve en faveur du consommateur) passe de 6 mois à un an.
En France, la durée de la garantie légale de conformité des biens est fixée à deux ans avec une présomption d’antériorité du défaut (charge de la preuve en faveur du consommateur) de deux ans également (sauf pour les biens d’occasion, pour lesquels ce délai est de 12 mois).
Les parties ne peuvent valablement déroger aux exigences objectives que si le consommateur en a été spécifiquement informé avant de donner son consentement et si l’accord est expressément convenu dans le contrat, de façon « séparée » (§ 476 BGB).
Dans le cadre de la remise en conformité du bien, y compris pour les ventes entre commerçants, le § 439 al. 5 BGB prévoit expressément l’obligation de l’acheteur de mettre le bien à la disposition du vendeur, obligation qui semble évidente et reconnue depuis longtemps par la jurisprudence, mais qui, par sa codification, devient un élément indispensable pour la validité de la demande de l’acheteur de remise en conformité du bien.
Par ailleurs, la loi modifie les conditions de résolution du contrat et de réduction du prix suite à la vente de biens de consommation. Ainsi, le nouveau § 475d BGB ajoute des cas dans lesquels le consommateur n’est pas tenu d’accorder préalablement un délai au vendeur pour réparer ou remplacer un bien défectueux avant de pouvoir procéder à la résolution du contrat ou demander une réduction du prix. Parmi ces cas, figurent :
- l’échec de la mise en conformité,
- la présence d’un défaut de conformité si grave qu’il justifie une résolution immédiate,
- le fait de refuser de procéder à la mise en conformité du bien dans un délai raisonnable ou sans inconvénient majeur pour le consommateur.
Dans ces cas, le consommateur peut également demander des dommages-intérêts sans fixer de délai préalable au vendeur (§ 475 d al. 2 BGB).
En cas de résolution du contrat ou de demande de dommages-intérêts, la loi oblige le vendeur à restituer au consommateur les frais de retour du bien et à restituer le prix d’achat dès réception d’une preuve d’expédition par le consommateur (§ 475 al. 6 BGB), sans attendre d’avoir reçu le bien. La répartition des risques et le principe de la restitution simultanée sont donc modifiés au détriment du vendeur.
Le § 476 al. 2 BGB prévoit désormais les conditions matérielles et formelles dans lesquelles le délai de prescription peut être réduit d’un commun accord entre l’entrepreneur et le consommateur. Cet accord ne doit pas avoir pour effet de réduire la prescription à moins de deux ans pour les biens neufs (et à moins d’un an pour les biens d’occasion) et nécessite une information expresse du consommateur sur la réduction du délai de prescription ainsi qu’une convention expresse, distincte, dans le contrat.
Enfin, si le vendeur délivre une garantie distincte en vertu du § 443 BGB, il devra à l’avenir indiquer les recours légaux du consommateur qui ne seront pas affectés par cette garantie, le nom et l’adresse du garant, la procédure à suivre par le consommateur pour obtenir la mise en œuvre de la garantie commerciale, la désignation des biens auxquels s’applique la garantie commerciale et les conditions de la garantie, y compris sa durée et son champ d’application (§ 479 BGB).
Par ailleurs, des modifications substantielles du BGB ont été prévues dans la « loi relative à une meilleure protection des consommateurs vis-à-vis des entreprises » (Gesetz für faire Verbraucherverträge) du 10 août 2021.
Cette loi ajoute à la liste des clauses abusives (§§ 308 et 309 BGB) :
- Certaines dispositions relatives à la cession d’un droit du consommateur contre l’entreprise ; notamment, la loi interdit complètement d’exclure la cession à un tiers d’une créance monétaire contre l’entreprise ; pour l’exclusion de la cession de droits non monétaires, elle prévoit des conditions strictes (§ 308 n°9, applicable à tout contrat conclu à partir du 01.10.2021). La reconnaissance du droit à la cession de créances encouragera, à l’avenir, le rachat de créances des consommateurs par des sociétés de recouvrement.
- Est également interdit (i) le fait de prévoir dans des Conditions générales une durée ferme de plus de 2 ans pour les contrats de livraison ou de services à exécution successive (par exemple des contrats de téléphonie mobile, des contrats de maintenance ou des abonnement de presse), (ii) la reconduction tacite d’un contrat à durée indéterminée sans possibilité de résiliation pour le consommateur avec effet à la fin de chaque mois calendaire ou un préavis ordinaire de plus d’un mois pendant la durée initiale du contrat (§ 309 n°9, applicable à tout contrat conclu à partir du 01.03.2022).
En matière de commerce électronique, la loi oblige les entreprises à prévoir, pour certains types de contrats à exécution successive, un bouton sur leur site internet marqué clairement comme « bouton de résiliation » et à l’aide duquel le consommateur peut résilier le contrat. En cliquant sur le bouton, le consommateur doit accéder à une page web sur laquelle il pourra renseigner :
- le type et le motif de la résiliation,
- ses coordonnées,
- le contrat en question,
- la date de fin du contrat souhaitée,
et ensuite déclarer la résiliation de ce contrat. L’entrepreneur doit ensuite confirmer au consommateur, sous forme de texte, la réception de la déclaration de résiliation et la fin du contrat. L’absence de ce mécanisme permet au consommateur de résilier le contrat avec effet immédiat (§ 312k BGB, applicable à partir du 01.07.2022 à tous les contrats).
Cette loi apporte également des modifications relatives à la concurrence déloyale en introduisant, à compter du 01.10.2021, un nouveau § 7a à la Loi relative à la concurrence déloyale (Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb), qui oblige les professionnels à obtenir le consentement préalable du consommateur pour recevoir des appels téléphoniques publicitaires, et de documenter ce consentement pendant une période de 5 ans. Des amendes sont prévues en cas de non-respect de cette obligation (§ 20 al. I n° 2).
En parallèle, une nouvelle disposition a été introduite dans la Loi relative à l’approvisionnement d’énergie (Gesetz über die Elektrizitäts- und Gasversorgung – Energiewirtschaftsgesetz, EnWG) qui interdit, depuis le 27.07.2021, la conclusion de contrats d’approvisionnement par téléphone, sans confirmation sous forme de texte (§ 41b).
Il est recommandé aux entreprises proposant leurs produits en Allemagne d‘adapter leurs CGV et de vérifier si l’obligation de prévoir le bouton de résiliation leur est applicable.