Actualités du droit allemand
- NewsletterRappel de produits en droit allemand : ce qu’il faut savoir
Après le scandale lié au trucage des tests anti-pollution sur les véhicules Volkswagen, l’industrie automobile allemande est dans la tourmente. L’autorité allemande des transports a ordonné le rappel obligatoire des véhicules concernés pour remise aux normes, ce qui entraînera le rappel de 2,4 millions de voitures en Allemagne et de plus de 8 millions sur toute l’Europe. Plus de 900.000 véhicules seraient concernés en France.
Il s’agit là d’une opération de rappel sans précédent : non seulement elle est imposée par les autorités, ce qui est très rare, mais elle a pour cause une atteinte environnementale (ou plutôt, à strictement parler, une non-conformité à la réception de type prévue par la réglementation européenne).
En règle générale, les rappels de produits (automobiles ou autres) sont au contraire réalisés pour des raisons de sécurité. Dans la majorité des cas, ces opérations sont volontaires : le fabricant prend les devants dès lors qu’il a connaissance d’un risque de sécurité sur un produit en circulation.
Ce risque peut relever d’un défaut de conception, de fabrication ou encore d’une insuffisance de la notice d’utilisation ou des instructions de sécurité. Dans tous les cas, le fabricant doit procéder à une évaluation des risques selon des critères multiples (probabilité et gravité des blessures encourues, niveau de risque selon les utilisateurs). En fonction du degré de risque identifié, il doit opter pour des mesures correctives : retrait du produit du marché, rappel auprès des consommateurs, ou – dans les cas les moins sévères – simple avertissement de sécurité. Les autorités européennes se communiquent mutuellement les informations et peuvent coordonner les opérations.
Les constructeurs sont ainsi tenus à une surveillance étroite du marché et doivent traiter en temps réel toute information laissant apparaître un risque.
La jurisprudence et la doctrine allemande se sont fréquemment penchées sur ces questions et sur les éventuels recours dont peuvent disposer les fabricants contre leurs fournisseurs et sous-traitants. Les constructeurs français pourraient bien en prendre de la graine.
Bonne lecture!
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Concurrence et distribution
Vos interlocuteurs: Isabelle-Eva TERNIK , avocate et Dominique HEINTZ, avocat associé
Contrats et consommation
Droit des marques et de la propriété intellectuelle
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Procédure civile
Responsabilité civile
En cause se trouvait une société allemande qui importait des Etats-Unis des stimulateurs et défibrillateurs cardiaques. Lors de contrôles de qualité, elle a constaté des problèmes techniques sur ces produits, pouvant conduire à leur défectuosité. Elle a alors conseillé aux médecins ayant implanté ces produits à des patients de les remplacer, étant précisé que la société acceptait de fournir gratuitement les produits de remplacement.
Les caisses d’assurance maladie des patients dont les stimulateurs et défibrillateurs cardiaques ont été remplacés se sont alors retournées contre la société allemande et lui ont réclamé le remboursement des frais d’hospitalisation engagés pour les opérations de remplacement.
Le litige fut initialement porté devant les juridictions allemandes, qui ont décidé de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne. Cette question portait sur l’appréciation de la notion de produits défectueux, introduite dans les législations nationales des pays membres de l’Union européenne suite à la transposition de la directive sur les produits défectueux (85/374).
La Cour répond que pour les dispositifs médicaux tels que les stimulateurs cardiaques et défibrillateurs automatiques, « le défaut potentiel de sécurité, qui engage la responsabilité du producteur au titre de la directive 85/374, réside (…) dans la potentialité anormale de dommage que ceux-ci sont susceptibles de causer à la personne » et qu’en conséquence, « le constat d’un défaut potentiel des produits appartenant au même groupe ou relevant de la même série de production, tels que les stimulateurs cardiaques et les défibrillateurs automatiques implantables, permet de qualifier de défectueux un tel produit sans qu’il soit besoin de constater dans ce produit ledit défaut. »
En effet, d’après le régime institué par la directive, est défectueux tout produit qui n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre. Or, un stimulateur et un défibrillateur cardiaque doivent, de par leur nature, garantir un risque zéro. Pour ce type de produit, le soupçon de défaut doit donc être, dès l’abord, considéré comme un défaut.
La portée de cet arrêt ne doit toutefois pas être exagérée et faire trembler l’ensemble des fabricants. On peut penser qu’en l’état, cette appréciation ne doit pas être étendue à tout type de produit, tant qu’ils ne présentent le même potentiel de de risque vital qu’un stimulateur cardiaque !
Source: CJUE, 5 mars 2015, C-503-14 et C-504/13
La Cour a estimé que le TÜV et sa filiale française ont « respecté les obligations leur incombant en qualité d’organismes certificateurs » et qu’elles n’ont pas « commis de faute engageant leur responsabilité civile délictuelle». La Cour a ainsi infirmé le jugement rendu en décembre 2013 par le Tribunal de commerce de Toulon qui avait condamné le TÜV à verser une provision de 3.000 euros par victime.
D’autres juridictions telles que le Tribunal de grande instance de Paris (29 septembre 2014) et le Tribunal de commerce de Toulon dans une décision du 4 juin 2014 ont également rejeté la responsabilité du certificateur allemand.
Les procédures similaires engagées par les victimes devant les juridictions allemandes n’ont pas connu davantage de succès à ce jour.
Dans une décision du 9 avril 2015 (VII ZR 36/14), la Cour fédérale de justice (Bundesgerichtshof) a toutefois estimé qu’une condamnation du TÜV à payer des dommages et intérêts aux victimes n’est pas exclue et dépend de l’interprétation de la Directive 93/42/CEE relative aux dispositifs médicaux. Elle a décidé de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui va se prononcer entre autres sur la portée des obligations des certificateurs comme le TÜV en matière de surveillance.
L’issue de cette procédure devra être suivie avec attention par les victimes françaises, car si la CJUE alourdit les obligations des certificateurs en matière de surveillance, la situation pourrait être réévaluée.
La fin des litiges n’est pas en vue. Les avocats des 1.600 plaignantes ont annoncé un pourvoi en cassation contre l’arrêt du 2 juillet 2015 de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence. Dans une nouvelle action contre le TÜV Rheinland et sa filiale française devant le Tribunal de commerce de Toulon, quelque 10.000 autres victimes réclament également des dommages-intérêts. La décision dans cette procédure est attendue pour le 10 décembre 2015.
Vos interlocuteurs: Dr. Danny REINHOLD , Rechtsanwalt et avocat et Béatrice DESHAYES , avocate associé et Rechtsanwältin