Assurance des collectivités territoriales : Un avis de l’Autorité de la concurrence révèle un marché sous tension
- A la uneLa contribution de l’Autorité de la concurrence au débat public passe par des avis sur des sujets très variés. Celui du 23 janvier 2025, porte sur la situation du marché de l’assurance de dommages aux biens des collectivités territoriales. Bien qu’elles ne soient pas légalement tenues de souscrire une assurance pour leurs biens, 91 % des collectivités territoriales optent pour cette solution afin de se protéger contre les risques financiers liés aux sinistres.
Saisie par la commission des finances du Sénat, l’avis l’invite certes à adapter le cadre législatif, mais préconise aussi un changement de comportement des acteurs, tout ne passe pas par la loi !
L’avis met en évidence un marché très concentré, dominé par Groupama et SMACL Assurances SA, dont l’accès pour de nouveaux acteurs est rendu difficile en raison de faibles marges de rentabilité et de la complexité des règles de la commande publique ; la faible concurrence crée une situation préoccupante pour les collectivités territoriales qui limite les options dont elles disposent ; un nombre important d’appels d’offres n’obtient en effet aucune réponse, et lorsque des offres sont faites, elles comportent souvent des tarifs plus élevés, des franchises en hausse et une couverture réduite. Cette tendance a été particulièrement marquée depuis 2022-2023.
L’instruction montre que le cadre réglementaire de la commande publique représente un frein majeur à l’entrée de nouveaux assureurs sur ce marché.
Du côté des collectivités territoriales, les règles imposent en effet une charge administrative lourde et mobilisent des compétences techniques qu’elles ne possèdent pas toujours. Elles sont notamment tenues de rédiger un cahier des charges contractuel, souvent mal adapté à leurs besoins réels, faute d’expertise dans le domaine de l’assurance. Cette carence nuit à la pertinence des offres reçues. Par ailleurs, la priorité donnée au critère du prix dans les procédures d’appel d’offres tend à favoriser les propositions les moins coûteuses, mais pas nécessairement les plus appropriées d’un point de vue technique.
Du côté des assureurs, ces procédures sont perçues comme rigides et peu compatibles avec la nature des produits d’assurance. L’impossibilité de formuler des réserves ou de négocier les termes du cahier des charges empêche toute personnalisation des offres et rend difficile une évaluation fine des risques.
Les appels d’offres impliquent en outre des engagements pluriannuels, mal adaptés à la volatilité des risques assurantiels, notamment ceux liés aux aléas climatiques ou sociaux. Le processus de réponse à ces appels d’offres est par ailleurs complexe, coûteux et nécessite une expertise spécialisée, ce qui constitue un frein supplémentaire pour de nombreux assureurs. À cela s’ajoute la faible rentabilité du secteur, marquée par des ratios sinistres sur primes élevés, qui décourage fortement les opérateurs.
Ce cadre rigide réduit considérablement la flexibilité des échanges entre les parties, accentuant les déséquilibres entre collectivités territoriales et assureurs. Face à ces défis, l’Autorité propose 7 mesures clés comportementales pour dynamiser l’offre d’assurance et améliorer la situation des collectivités territoriales :
- Recommandation n° 1 : l’Autorité recommande de renforcer la connaissance, par les collectivités territoriales, de leur patrimoine et de l’ensemble des risques auxquels elles sont confrontées. Une fois ces risques identifiés, il convient d’encourager les collectivités territoriales à prendre les mesures nécessaires pour prévenir leur survenance et/ou leurs conséquences.
- Recommandation n° 2 : l’Autorité invite les collectivités territoriales à se faire accompagner, si nécessaire, dans la préparation et le déroulement de la procédure de passation de leurs marchés d’assurance, en leur rappelant qu’elles peuvent avoir recours à des services partagés avec d’autres collectivités territoriales ou à des services d’assistance à la maîtrise d’ouvrage.
- Recommandation n° 3 : l’Autorité invite les collectivités territoriales à partager entre elles leurs retours d’expérience sur l’organisation concurrentielle des marchés d’assurance.
- Recommandation n° 4 : l’Autorité recommande de clarifier l’application du code de la commande publique aux marchés d’assurance des collectivités territoriales, par la formulation de consignes pratiques et juridiques claires à l’égard de ces dernières.
- Recommandation n° 5 : l’Autorité invite les collectivités territoriales à allonger les délais de réponses des assureurs à leurs appels d’offres.
- Recommandation n° 6 : l’Autorité invite les collectivités territoriales à procéder à un étalement du processus de mise en concurrence et à assurer la publicité la plus large et la plus précoce possible sur le calendrier de leurs appels d’offres.
- Recommandation n° 7 : l’Autorité recommande aux collectivités territoriales d’envisager systématiquement les possibilités d’allotissement avant de prendre les décisions relatives aux prochaines échéances de leurs contrats avec des opérateurs.
Il est heureux que l’Autorité axe principalement ses recommandations sur un cadre législatif à périmètre constant ; c’est une ambition salutaire d’éviter l’empilement de textes et de préférer une réforme parcimonieuse et minutieuse seulement si elle est indispensable. Un exemple à suivre …