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Concurrence, distribution, consommation

Concurrence Distribution Consommation n°1/2019

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L’ensemble du cabinet hw&h vous souhaite une très belle année 2019 ! 

 

 

 Ordonnance sur le seuil de revente à perte et l’encadrement des promotions: à peine publiée, déjà critiquée

Après l’annonce de son report, le 5 décembre dernier, en raison du mouvement des « gilets jaune », l’Ordonnance n°2018-1128 relative au relèvement du seuil de revente à perte et à l’encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires a finalement été adoptée en Conseil des Ministres le 12 décembre 2018 et publiée au journal officiel le 13 décembre 2018.

Cette ordonnance intervient dans le cadre de la loi n°2018-935 du 30 octobre 2018 sur l’alimentation, dite loi Egalim.

Les mesures qu’elle porte sont expérimentales puisqu’elles ne seront applicables que pour une durée de deux années à compter de l’entrée en vigueur de l’ordonnance.

Nous nous étions interrogés dans une précédente newsletter n°01/2018 sur la compatibilité de cette réforme avec la Directive européenne 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, dans la mesure où les lois belge et espagnole interdisant la revente à perte ont été jugées incompatibles avec la Directive par la Cour de Justice de l’Union européenne.

Si cette question n’a pas été soulevée à ce jour, l’Ordonnance n°2018-1128 fait cependant d’ores et déjà l’objet de critiques de la part de l’Autorité de la concurrence.

En substance, l’Ordonnance comprend les dispositions suivantes : 

1. Le relèvement du seuil de revente à perte portant sur les denrées alimentaires et les produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie, revendus en l’état au consommateur, en affectant leur prix d’achat effectif d’un coefficient de 1,10 (article 2).

2. L’encadrement des promotions, en valeur et en volume, selon les modalités suivantes (article 3) :

  • le champ d’application de l’encadrement est limité aux avantages promotionnels, « immédiats ou différés, ayant pour effet de réduire le prix de vente au consommateur de denrées alimentaires ou de produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie » (art. 3 I).
  •  l’encadrement « en valeur » implique que les promotions accordées au consommateur sur un produit déterminé ne pourront pas être supérieures à 34 % du prix de vente au consommateur ou à une augmentation équivalente de la quantité vendue (art. 3.II). Ce taux doit permettre de continuer à pratiquer des promotions du type « 2 produits achetés, 1 offert ».
  • l’encadrement « en volume » implique que les promotions accordées par le distributeur ou par le fournisseur ne pourront pas, en fonction de la catégorie de produits vendus, être supérieures à 25% :
  1. du montant du chiffre d’affaires prévisionnel qui devra être défini dans le contrat, s’agissant des produits de marque nationale et certains produits sous marques de distributeurs faisant l’objet d’un contrat prévu à l’article L. 441-7 du code de commerce (art. 3. I, 1°),
  2. du volume prévisionnel convenu entre le fournisseur et le distributeur, s’agissant des produits sous marque de distributeur, faisant l’objet d’un contrat portant sur la conception et la production de produits alimentaires qui répondent aux besoins particuliers de l’acheteur (art. 3. I, 2°),
  3. des engagements de volume convenus entre le fournisseur et le distributeur s’agissant des produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d’animaux vifs, de carcasses ou pour les produits de la pêche et de l’aquaculture (art. 3. I, 3°).
  • les sanctions administratives permettant d’assurer l’effectivité de l’encadrement des promotions sont de deux types : soit une amende administrative de 75 000 € pour une personne physique et de 375 000 € pour une personne morale, soit une amende administrative correspondant à la moitié des dépenses de publicité au titre de l’avantage promotionnel. Ces sanctions pourront être doublées en cas de réitération du manquement (art. 3. V)

Ces mesures entreront en vigueur selon au plus tard le 1er juin 2019 s’agissant du relèvement du seuil de revente à perte; au 1er janvier 2019 s’agissant de l’encadrement des promotions en valeur; immédiatement pour tous les contrats mentionnés à l’article L. 441-7 du code de commerce devant être conclus avant le 1er mars 2019 et pour tous les autres contrats en cours s’agissant de l’encadrement des promotions en volume.

L’Avis de l’Autorité de la concurrence n°18-A-14 du 23 novembre 2018 :

Dans la foulée de la publication de l’Ordonnance, l’Autorité de la concurrence a rendu public, un avis critique, ou à tout le moins sceptique, sur l’efficacité attendue de ces mesures par rapport aux objectifs recherchés.

Selon l’Autorité de la concurrence, le relèvement du seuil de revente à perte pourrait dégrader la situation économique des fournisseurs des produits actuellement revendus à un prix inférieur au nouveau seuil de revente à perte. L’effet de la mesure sur les consommateurs serait également négatif puisque l’effet inflationniste du dispositif pourrait varier de 0,6 à 4,5 milliards d’euros sur deux ans, soit 10 à 78 euros par an et par ménage, selon les estimations de l’Autorité. Les distributeurs bénéficieront vraisemblablement de cette mesure, même si l’ampleur de cet effet est incertaine.

Surtout, l’effet sur les fournisseurs de produits actuellement revendus à un prix supérieur au nouveau seuil de 10% du prix d’achat, pourtant visés par la mesure, n’est pas établi. Selon l’Autorité, il n’est pas certain que les fournisseurs de ces produits, dont le pouvoir de négociation peut être limité, parviendront à s’approprier une part significative du surplus ainsi généré, les distributeurs risquant d’en conserver une grande partie. Le gain éventuel des fournisseurs sera quoi qu’il en soit inférieur à l’effet inflationniste subi par les consommateurs.

S’agissant de l’encadrement des promotions, l’Autorité de la concurrence est tout aussi sceptique quant à l’efficacité de la mesure. Selon elle, cette mesure pourrait conduire à limiter la concurrence que se livrent les fournisseurs et les distributeurs, ce qui est susceptible d’entrainer une hausse des prix de vente aux consommateurs qui s’ajoutera à l’effet inflationniste engendré par le relèvement du seuil de revente à perte. En outre, l’encadrement des promotions pourra léser les petits fournisseurs qui utilisent ces promotions pour faire connaître leurs produits ou accéder au linéaire

L’encadrement en volume suscite par ailleurs plusieurs incertitudes, puisque de nombreux opérateurs considèrent qu’il pourrait créer des distorsions de concurrence. Ces mesures pourraient enfin fragiliser des fournisseurs en difficulté, notamment ceux de produits agricoles ou de produits de première transformation, qui utilisent actuellement beaucoup les promotions. Une diminution significative des volumes de ventes de ces produits pourrait avoir des répercussions directes sur les producteurs agricoles que le gouvernement cherche à protéger à travers le dispositif

L’avis de l’Autorité de la concurrence fait notamment écho à la critique formulée par l’économiste Laurent Benzoni à l’occasion du colloque relatif aux pratiques commerciales déloyales à l’heure européenne, qui s’est tenu le 19 novembre 2018 à la Cour d’appel de Paris.

Enfin, on ne peut pas exclure que les distributeurs reportent leur bataille sur les prix sur les produits non-alimentaires. Les premiers relevés laissent en effet apparaitre des actions promotionnelles massives sur les produits DPH (Droguerie, Parfumerie, Hygiène).

Rappelons néanmoins leur caractère expérimental pour une durée de deux années. L’Ordonnance prévoit à cet égard que l’application de ces mesures pourra être suspendue par décret en Conseil d’Etat pris après avis de l’Autorité de la concurrence, pour tout ou partie des produits concernés et pour une période pouvant aller jusqu’au terme de la période de deux ans prévue par l’ordonnance, lorsque le comportement d’un nombre significatifs d’acheteurs est de nature à compromettre sensiblement l’atteinte des objectifs tenant notamment au rétablissement de conditions de négociation plus favorables pour les fournisseurs. Affaire à suivre donc…

 Concurrence : l’Autorité sanctionne deux ententes sur les prix dans le secteur du gros électroménager

Par une décision en date du 5 décembre 2018 n°18-D-24, l’Autorité de la concurrence a sanctionné six importants fabricants d’électroménagers (BSH, Candy Hoover, Electrolux, Indesit, Whirlpool et Eberhardt Frères) pour avoir mis en œuvre deux ententes anticoncurrentielles distinctes sur le marché de la fabrication et de la commercialisation des produits de gros électroménager (« produits blancs ») en France.

L’affaire a pour origine le signalement par la DGCCRF d’indices entre le 8 juin 2011 et le 28 mars 2012. Par la suite, l’Autorité de la concurrence a ouvert une enquête le 21 mai 2012 et effectué plusieurs opérations de visites et saisies (« OVS ») dans les locaux de certaines entreprises actives dans le secteur de la fabrication et la commercialisation de produits électroménagers.

A la suite de ces OVS, la société BSH (Bosh, Siemens, Neff) a présenté une demande de clémence. Par ailleurs, toutes les entreprises mises en cause ont transigé.

S’agissant de la principale pratique, l’enquête de l’Autorité de la concurrence a mis en évidence que les fabricants se sont entendus sur la définition future du prix de vente conseillé de nombreux produits de gros électroménagers, lesquels correspondaient notamment à ceux parmi les plus vendus, généralement positionnés sur les « pics prix » les plus stratégiques et volumiques. Les échanges ont également porté sur d’autres éléments relatifs à l’application de la hausse de prix, tels que les caractéristiques techniques à intégrer aux appareils selon les catégories de prix, les « règles de prix » à respecter ou encore les dates auxquelles les lettres circulaires de hausses seraient envoyées aux clients distributeurs (point 160).

Or, il existe un lien direct entre le prix de vente au distributeur (qui correspond au tarif de base, duquel sont déduits différents rabais, remises, et conditions de coopération commerciale négociés par chaque distributeur) et le prix de vente au détail conseillé (qui est le prix auquel les fabricants recommandent à leurs distributeurs de vendre les produits aux consommateurs finaux), de sorte que la hausse des prix de vente conseillés conduit mécaniquement à une hausse du tarif auxquels les distributeurs s’approvisionnent (point 64).

Les fabricants ont mis en œuvre ces accords et pratiques concertées à objet anticoncurrentiel à l’occasion de réunions secrètes, organisées en marge des réunions officielles du Groupement interprofessionnel des fabricants d’appareils d’équipements ménagers (« GIFAM ») ou dans des lieux dédiés. Cependant, il ne semble pas que le syndicat professionnel ait organisé ou prêté appui à ces pratiques.

Cette décision est intéressante car pour la première fois l’Autorité de la concurrence a retenu que ces faits étaient constitutifs d’une infraction unique et répétée, mettant ainsi en application la jurisprudence européenne qui avait théorisé cette notion (Trib. UE, 17 mai 2008, aff. T-147/09 et T-148/09, Trelleborg c/ Commission – point 88 à 92).

Il faut préciser à cet égard que les accords et pratiques concertées se sont déroulés sur la période s’écoulant du 7 septembre 2006 au 10 avril 2009 en connaissant une interruption entre le 8 janvier 2007 et le 29 mai 2008. Or, les entreprises en cause ont reconnu (points 162 et 163):

  1. avoir participé à une infraction avant et après la période intermédiaire;
  2. admis avoir poursuivi un objectif anticoncurrentiel unique consistant, dans un contexte économique dégradé, à augmenter de manière concertée – en 2006/2007 puis en 2008/2009 – les prix de vente conseillés au détail transmis aux clients distributeurs, impactant ainsi directement le niveau du prix de cession de ces derniers et altérant, de manière générale, l’incertitude entre les différents concurrents concernés.

Quant au caractère unique de l’infraction sur l’ensemble de l’infraction avant et après la suspension des pratiques se déduit de l’identité des modalités de mise en œuvre (réunions secrètes organisées généralement dans les locaux du GIFAM en marge des réunions officielles du groupement, ou, plus ponctuellement, dans d’autres lieux choisis par les participants), de l’identité des participants aux réunions (BSH, Candy Hoover, Electrolux, Indesit et Whirlpool), de l’identité des personnes physiques présentes aux réunions (présidents et responsables desdites entreprises), de l’identité des objectifs des pratiques (la définition de la hausse des prix de vente conseillés aux distributeurs), de l’identité des produits concernés (les produits de gros électroménager commercialisés par chacun des différents fabricants, à l’exception des hottes, des micro-ondes et des caves à vin, et notamment les références les plus stratégiques) et de l’identité du champ géographique concerné (le territoire français). (Point 164)

Par ailleurs, l’enquête menée par l’Autorité de la concurrence et les révélations de BSH dans le cadre de la procédure de clémence ont également permis de mettre en évidence une deuxième entente réalisée entre mai et septembre 2009 portant sur une modification concertée des conditions commerciales appliquées aux cuisinistes pour les modèles d’exposition. Il est à noter que la société Electrolux n’était pas partie à cette l’entente.

Pour la détermination des sanctions pécuniaires, l’Autorité de la concurrence a retenu « une gravité certaine » des pratiques, gravité qui a été renforcée par le caractère secret de l’infraction (points 187 et 188), et « un dommage causé à l’économie relativement limité » (point 195).

Le recours à la transaction par l’ensemble des entreprises concernées a permis à chacune d’elles de bénéficier de réductions substantielles sur le montant des sanctions prononcées.

La société BSH, qui a sollicité la procédure de clémence de second rang et apporté des éléments complémentaires à l’Autorité, a bénéficié, en tant que demandeur de clémence, d’une réduction d’amende supplémentaire au titre de sa contribution à l’instruction.

En outre et pour la première fois, l’Autorité de la concurrence a mis en œuvre la « Clémence Plus », toujours au bénéfice de la société BSH (sur la notion de « Clémence Plus » voir le paragraphe 22 du communiqué de procédure du 3 avril 2015 relatif au programme de clémence français) en considérant que certains des éléments supplémentaires apportés à l’instruction par la société BSH dans le cadre de la procédure de clémence lui donnaient droit à une exonération de sanction.

Lors d’un point presse, la présidente de l’Autorité de la concurrence, Isabelle de Silva, a précisé que la sanction totale, d’un montant de 189 millions d’euros, est la plus importante prononcée cette année.

Cette amende paraît toutefois bien élevée eu égard à la courte période des deux ententes sanctionnées et au caractère « relativement limité » du dommage à l’économie retenu par l’Autorité de la concurrence.

  Concurrence: L’Autorité sanctionne les producteurs et grossistes-revendeurs de fertilisants liquides pour plusieurs ententes verticales sur les prix

Par une décision n°18-D-26 du 20 décembre 2018, l’Autorité de la concurrence a prononcé une sanction d’un montant total de 365.000 euros à l’encontre de quatre fabricants et de deux grossistes-revendeurs pour avoir mis en œuvre plusieurs ententes verticales sur les prix dans le secteur des fertilisants liquides pour la production hors-sol dédiés à la culture domestique.

Cette décision fait suite à une enquête menée par la DGCCRF et à une saisine d’office de l’Autorité de la concurrence.

Dans cette affaire, il était reproché aux fabricants visés (Canna, GHE, Bertels, Biobizz) de s’être concertés avec un ou deux revendeurs grossistes (CIS -enseigne Culture Indoor- et Hydro Factory/Hydro Logistique -enseigne Indoor Gardens-) en vue de fixer les prix de reventes de leurs produits et de les imposer aux distributeurs.

Ces pratiques ont été menées entre 2010 et 2013, la période variant selon les entreprises visées.

Il est intéressant de relever que l’Autorité fonde sa décision sur des conditions générales de vente et des échanges de courriels, qu’elle qualifie de preuves documentaires directes démontrant explicitement l’existence d’un accord de volonté entre les parties.

A titre d’exemple, le 2 septembre 2010, le président de l’un des fabricants écrit à son distributeur : « Vous êtes sur la liste pour être bloqué à l’avenir parce que vous êtes un grand casseur de prix. Remplacez vos prix rapidement par les prix de vente figurant sur la liste, alors je mettrai votre bannière sur [notre site internet] (français). Nous mettons tout en œuvre pour éliminer les casseurs de prix et les mettre sur liste noire parce que tout le monde doit garder le même prix minimum. C’est la raison pour laquelle certains magasins n’ont pas [notre marque] (parce que nous ne leur fournissons pas) Cordialement. Robbie » (traduction libre).

L’Autorité souligne en outre que des listes de prix de revente étaient établies entre chaque fabricant et revendeur-grossiste et que des mesures de surveillance et/ou de police ont été mises en place afin d’assurer le respect des prix ainsi fixés.

S’agissant de l’évaluation de la sanction, l’Autorité rappelle que les pratiques d’entente verticales sur les prix figurent parmi les plus graves des pratiques anticoncurrentielles.

L’objectif visé par les pratiques était d’accroître les marges des revendeurs ce qui suppose par définition même une hausse des prix supérieure aux variations de coûts, au détriment des consommateurs. Ces ententes verticales ont contribué à harmoniser les prix des fertilisants, réduisant ainsi la concurrence en prix d’un même produit au sein des différents réseaux (concurrence intra-marque).

Le dommage à l’économie apparait donc certain mais néanmoins modéré, du fait du maintien d’une relative concurrence entre fabricants d’une part, et entre revendeurs, d’autre part.

A noter que le grossiste-revendeur Hydro Factory/Hydro Logistique a bénéficié d’une réduction de sanction de 99% au regard de ses difficultés financières avérées, faisant ainsi passer sa sanction de 210.056 euros à 1.000 euros, alors qu’il s’agissait de la société la plus lourdement sanctionnée initialement.

 

 Déséquilibre significatif : la conformité à la Constitution du contrôle judiciaire du prix

Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (« QPC ») par la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel a jugé le 30 novembre dernier que le 2° du paragraphe I de l’article L. 442-6 du Code de commerce est conforme à la Constitution, malgré l’évolution de l’interprétation de la notion de déséquilibre significatif opérée par la Cour de cassation dans son arrêt « Galec » du 25 janvier 2017 (Cons. const., 30 novembre 2018, n° 2018-749 QPC).

Dans sa décision, le Conseil constitutionnel a rappelé que les dispositions actuellement contestées sont identiques à celles précédemment examinées et déclarées conformes à la Constitution (Cons. const., 13 janvier 2011, n° 2010-85 QPC), mais a retenu que leur réexamen se justifiait en raison du changement des circonstances de droit causé par l’arrêt « Galec » du 25 janvier 2017 qui confère aux dispositions contestées une nouvelle portée.

Selon l’arrêt « Galec » du 25 janvier 2017, les dispositions de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce n’excluent pas que « le déséquilibre significatif puisse résulter d’une inadéquation du prix au bien vendu » et autorisent ainsi « un contrôle judiciaire du prix, dès lors que celui-ci ne résulte pas d’une libre négociation et caractérise un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » (Cass. Com., 27 janvier 2017, n° 15-23.547– voir Newsletter hw&h du 19 juin 2017).

Dans sa décision du 30 novembre 2018, le Conseil constitutionnel a validé la position ainsi adoptée par la Cour de cassation dans l’arrêt « Galec » et a fait entrer le prix parmi les éléments contractuels susceptibles d’être l’objet d’un déséquilibre significatif.

Le juge judiciaire peut donc procéder à un contrôle des prix et prononcer une amende civile lorsque le distributeur impose ou tente d’imposer au fournisseur des remises qui ne sont ni discutées dans leur principe, ni dans leur montant et qui créent une « inadéquation du prix au bien faisant l’objet de la négociation ».

Le Conseil constitutionnel a estimé que les dispositions contestées par les requérantes ne méconnaissent ni le principe de légalité des délits et des peines, ni la liberté d’entreprendre et de la liberté contractuelle.

  • S’agissant du principe de la légalité des délits et des peines :

Sur ce grief, le Conseil constitutionnel a procédé par simple renvoi à sa décision du 13 janvier 2011 dans laquelle la notion de déséquilibre significatif avait été jugée suffisamment claire et précise dès lors qu’elle repose sur un concept déjà explicité par le droit de la consommation et qu’elle peut au demeurant être éclaircie sur avis de la CEPC. Dans la décision du 13 janvier 2011, le Conseil constitutionnel avait donc considéré que les juges peuvent s’inspirer de la jurisprudence relative aux clauses abusives (article L. 212-1 du Code de la consommation).
Cependant, cette position du Conseil constitutionnel est critiquable car le Code de consommation exclut le contrôle du juge sur les prix (article L. 212-1 du Code de la consommation).

Cette position peut néanmoins se comprendre au regard de l’arrêt « Galec » qui a jugé que : « la similitude des notions de déséquilibre significatif prévues aux articles L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation et L. 442-6, I, 2° du code de commerce, relevée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-85 QPC du 13 janvier 2011, n’exclut pas qu’il puisse exister entre elles des différences de régime ». Ce régime spécifique s’explique alors par l’un des objectifs de la législation, celui de permettre : « une comparaison entre le prix arrêté par les parties et le tarif initialement proposé par le fournisseur » (Cass. Com., 27 janvier 2017, n° 15-23.547).

Le Conseil constitutionnel a donc écarté le grief tiré de la méconnaissance du principe de la légalité des délits et des peines.

  • S’agissant de la liberté d’entreprendre et de la liberté contractuelle :

Sur ce grief, le Conseil constitutionnel a rappelé la possibilité pour le législateur d’apporter à ces libertés des limitations justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi.

Le Conseil constitutionnel a considéré qu’en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu rétablir un équilibre des rapports entre partenaires commerciaux, poursuivant un objectif d’intérêt général.

En outre, il a précisé que l’objectif tenant au rétablissement d’un équilibre des rapports entre partenaires commerciaux passe aussi par une appréciation du prix, de sorte qu’il est loisible au juge d’appréhender l’élément « prix » pour caractériser l’existence d’un déséquilibre significatif dans les obligations des partenaires commerciaux.

Cette décision doit être analysée au regard de la promulgation de la loi EGAlim et de la récente publication de l’ordonnance relative au relèvement du seuil de revente à perte et à l’encadrement des promotions le 13 décembre dernier.

Ces actualités récentes démontrent la volonté du législateur et du juge de veiller à la justesse du prix en amont, par la transparence des négociations commerciales annuelles et en aval, au titre des pratiques restrictives de concurrence et notamment du déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties résultant de l’inadéquation du prix au bien vendu.

Cette décision tant attendue par les acteurs économiques aura sans nul doute des répercussions dans les négociations commerciales entre fournisseurs et distributeurs.