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Concurrence, distribution, consommation

Concurrence Distribution Consommation n°4/2018

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  Distribution : Après Nutella, voilà l’affaire Perrier…

La campagne de vente promotionnelle d’Intermarché sur les produits Nutella nous a déjà donné l’occasion de montrer les risques attachés à la revente à perte et aux pratiques commerciales trompeuses du fait de l’insuffisante disponibilité du produit pendant la durée de la promotion (voir Newsletter hw&h concurrence distribution consommation n°2/2018).

Intermarché avait frappé fort en proposant -70% sur quatre produits pendant une semaine (Nutella, Perrier, Pampers, Carte noire). La presse avait à cette occasion fait état de l’absence d’accord du fournisseur pour que de telles promotions sur les prix soient pratiquées.

Mais l’accord du fournisseur est-il nécessaire ? N’y a-t-il pas au contraire une interdiction de contrôle des prix par le fournisseur ?

Le principe est bien sûr celui de la liberté des prix: le fournisseur ne peut pas imposer un prix minimum de revente de ses produits.

Mais on comprend tout de suite que pour les industriels, un dépositionnement prix de -70% porte atteinte à l’image des produits et désorganise la politique commerciale.

La jurisprudence a été amenée à se positionner dans le contexte de la distribution sélective. Dans ce cas, les clauses contractuelles qui prohibent les promotions qui dévaloriseraient le produit n’ont pas été remises en cause lorsqu’il s’agissait – par l’importance du discount et du caractère tapageur de l’opération – d’une atteinte à la renommée de la marque.

A l’évidence dans le cas de revente à perte, la responsabilité du distributeur est engagée et son obligation à réparer le préjudice subi est consacrée (Chambre commerciale, 20 juin 1995, n°93-20.643).

Selon LSA, Nestlé Waters a décidé d’engager une action devant le Tribunal de commerce de Paris contre Intermarché pour l’opération tapageuse sur Perrier. Pour prospérer, sa demande fera sans doute l’effort de se positionner sur l’atteinte au produit en le considérant comme une marque de grande renommée et en mettant en perspective ses investissements publicitaires pour la positionner dans le haut de gamme des eaux…

Il sera – à l’instar de la jurisprudence déjà rendue – également possible de se plaindre de la mise en péril de la politique du fournisseur résultant des soupçons des autres distributeurs quant à l’existence de conditions préférentielles consenties à des concurrents.

Nestlé Waters sera peut-être tentée de faire valoir une atteinte à la valeur de sa part de marché.

A voir l’accueil qui sera réservé à sa demande pour un aliment qui n’est pas un produit de luxe.

  Distribution : La rupture de la relation commerciale établie nécessite, dans tous les cas, un écrit.

La règle est connue et figure dans le texte de l’article L.442-6-I.5° du Code de commerce. L’entreprise doit informer son cocontractant par un écrit clair et dépourvu d’ambiguïté de sa volonté de mettre fin à leur relation commerciale.

La jurisprudence considère que la notification d’un appel d’offres répond à cette condition car le recours à cette procédure peut, le cas échéant, déboucher sur un changement de partenaire commercial (Chambre commerciale, 5 janvier 2016, n°14-25.397).

La Cour de cassation est revenue le 14 février 2018 sur l’appréciation des circonstances de la rupture lors de l’organisation d’un appel d’offres et maintient avec sévérité le formalisme de l’écrit.

Dans cette affaire, un laboratoire pharmaceutique a mis fin au courant d’affaires qu’il entretenait depuis 20 ans avec une société assurant le conditionnement de ses produits. Cette dernière, s’estimant victime d’une rupture brutale, l’a alors assigné sur le fondement de l’article L.442-6.I.5° du Code de commerce.

La Cour d’appel de Paris avait relevé que ce prestataire avait été informé par le laboratoire qu’une société concurrente travaillait sur la refonte du conditionnement des médicaments. Le demandeur avait alors proposé un pré-projet de cahier des charges au laboratoire en vue d’opérer lui-même cette rénovation.

Partant de ces éléments, la Cour d’appel a rejeté le caractère brutal de la rupture et retenu que le prestataire avait été informé de l’existence d’un appel d’offres valant notification effective de la rupture.

La Cour de cassation a cassé cet arrêt au motif que la Cour d’appel n’avait pas préalablement constaté la notification écrite du recours à cette procédure d’appel d’offres.

De manière stricte, la haute juridiction impose donc que la notification de la mise en concurrence soit faite par écrit quand bien même le partenaire évincé a été effectivement informé de son existence par d’autres moyens.

Cette annonce peut néanmoins être faite sur tout support. La jurisprudence a notamment considéré que l’appel d’offres peut valablement être envoyé par courriel (Chambre commerciale, 8 décembre 2015, n°14-18.228).

Cour de cassation, chambre commerciale, 14 février 2018, n°16-24.667.

 Concurrence : Les coopératives n’échappent pas au droit de la concurrence.

On savait déjà que les coopératives pouvaient participer à une entente.

La question est ici de savoir dans quelle mesure une coopérative peut servir de moyen à l’entente entre les coopérateurs.

Dans une décision 16-D-26 en date du 24 novembre 2016, l’Autorité de la concurrence, avait clairement rappelé que l’interdiction des ententes s’applique aux décisions d’association d’entreprises y compris sous la forme de coopératives, en imposant au Groupement des Installateurs Français (GIF) une amende de 400 000 euros pour entente horizontale.

En l’espèce, le GIF est une société anonyme coopérative rassemblant 80 adhérents, dont la part de marché cumulée s’élevait à 25% sur le marché de la fourniture, l’installation et la maintenance d’équipements professionnels de cuisine.

Ses membres devaient se conformer aux règles édictées par un règlement intérieur qui prévoyait notamment une exclusivité sur un territoire donné à chacune des entreprises membres.

De plus, dans l’hypothèse dans laquelle un membre souhaitait intervenir sur le secteur d’un autre, il devait alors demander l’autorisation de ce dernier. Le non-respect de cette obligation pouvait donner lieu à des sanctions notamment financières, et aller jusqu’à l’exclusion du groupement.

La coopérative a fait appel de cette décision en soulevant plusieurs moyens d’annulation et notamment le régime particulier applicable à son statut de société coopérative.

Devant la Cour d’appel, le GIF avançait notamment que, conformément aux articles L.124-1 et suivants du Code de commerce, l’objet d’une société coopérative est d’améliorer par l’effort commun de ses associés, les conditions dans lesquelles ceux-ci exercent leur activité commerciale. Ainsi, le maillage territorial mis en place visait à favoriser le dynamisme commercial de ses adhérents en vue d’apporter un service de qualité à la clientèle de ses derniers. En substance, le GIF arguait que sa nature juridique et la mission qu’il poursuivait écartait l’application des dispositions relatives aux ententes.

Avec pédagogie, la Cour d’appel analyse cette affirmation tant au regard du droit de l’UE qu’au regard du droit national de la concurrence.

En droit de l’UE, elle relève que la Cour de justice a déjà précisé que lorsque certaines activités sont soustraites à l’application du droit de la concurrence, cela est expressément prévu par le Traité CE (devenu TFUE). Or, aucune disposition des traités n’a exclu l’application du droit de la concurrence aux sociétés coopératives.

De plus, la Cour de justice a précisé que si l’organisation d’une entreprise sous la forme coopérative ne constitue pas en soi un comportement anticoncurrentiel, ses dispositions statutaires ne sont pas automatiquement soustraites au droit de la concurrence (12 décembre 1995, Oude Luttikhuis, C-399/93).

En droit national de la concurrence, la Cour d’appel relève (i) que l’article L.420-1 du Code de commerce ne prévoit aucune distinction à l’application de l’interdiction des ententes selon la forme juridique des entreprises et (ii) qu’aucune disposition légale ou réglementaire de droit national n’a exclu l’application du droit de la concurrence aux sociétés coopératives.

La Cour rappelle également la jurisprudence de la Cour de cassation qui a déjà appliqué l’interdiction des ententes à une société coopérative (Chambre commerciale, 16 mai 1995, n°93-16.556).

Ainsi, contrairement à ce qu’affirmait le GIF, le droit de la concurrence de l’UE comme le droit national de la concurrence s’appliquent pleinement aux sociétés coopératives.

Enfin, le GIF a tenté de bénéficier d’une exemption avançant, tout d’abord que la pratique en cause résulterait de l’application des dispositions du Code de commerce applicables aux sociétés coopératives, et qu’elle contribuerait au progrès économique.

Là encore, la Cour d’appel confirme la décision de l’Autorité de la concurrence en rejetant ces arguments après avoir constaté qu’aucune disposition du Code de commerce n’oblige une société coopérative à mettre en place un système d’exclusivité territoriale et que le GIF n’apporte aucun élément probant pour démontrer l’existence d’un progrès économique.

La Cour rappelle enfin que les répartitions de marchés géographiques constituent des restrictions de la concurrence par « objet », sanctionnées sans qu’il soit nécessaire d’analyser si elles ont un effet anticoncurrentiel.

Cour d’appel de Paris, 18 janvier 2018, 2017/01703.

 Concurrence : Comment transiger avec l’Autorité de la concurrence ?

Le 8 mars dernier, l’Autorité de la concurrence a ouvert une consultation publique sur un nouveau projet de communiqué relatif à la procédure de transaction qu’elle a publié sur son site Internet.

La procédure de transaction a été introduite par loi n°2015-990 du 6 août 2015 et est l’héritière de l’ancienne procédure de non-contestation des griefs. Cette procédure, prévue à l’article L.464-2 du Code de commerce, permet à une entreprise qui ne conteste pas les faits qui lui sont reprochés d’obtenir le prononcé d’une amende dans une fourchette négociée avec le Rapporteur général de l’Autorité.

Le Code de commerce prévoit expressément que la proposition de transaction faite par le Rapporteur général fixe le montant minimal et le montant maximal de l’amende envisagée. De plus, si l’entreprise propose des engagements, le Rapporteur général peut également en tenir compte dans sa proposition de transaction.

Il appartient à l’entreprise destinataire d’une notification des griefs de se rapprocher du Rapporteur général pour solliciter la mise en œuvre de la procédure de transaction. En demandant la mise en œuvre de la procédure de transaction, l’entreprise doit renoncer à contester les griefs notifiés.

L’accord entre la partie en cause et le Rapporteur général est formalisé dans un procès-verbal de transaction qui reprend la renonciation de l’entreprise à contester les griefs sous la forme d’une déclaration et la proposition de sanction qui sera présentée par le Rapporteur général au Collège de l’Autorité.

Une difficulté pourrait survenir une fois la renonciation à contester les griefs notifiés dans l’hypothèse dans laquelle l’entreprise en cause souhaiterait tout de même faire entendre ses arguments sur les éléments susceptibles d’être pris en compte par l’Autorité pour déterminer le montant de l’amende.

En effet, parmi ces éléments figurent notamment la durée des pratiques, l’objet et les effets de ces pratiques ou encore le rôle particulier de l’entreprise en cause. Ces éléments peuvent souvent faire l’objet d’une interprétation divergente par l’Autorité et les parties. Or, l’Autorité conditionne l’accès à la transaction à l’absence de contestation de ces éléments.

Quand bien même l’Autorité semble laisser la possibilité pour l’entreprise de présenter ses observations sur les éléments susceptibles d’être pris en compte lors de la détermination de l’amende, la conciliation de ses deux objectifs n’est pas d’une absolue clarté et gagnerait à être précisée.

Il convient de relever que l’Autorité réserve un droit discrétionnaire au Rapporteur général de ne pas donner une suite favorable à la demande de mise en œuvre de la procédure de transaction. Il n’a pas à se justifier mais on comprend qu’il pourrait notamment refuser la mise en œuvre de la procédure de transaction si certaines parties souhaitent contester les griefs.

Une entreprise désireuse de bénéficier de la procédure pourrait donc se retrouver malgré elle contrainte de se défendre au fond du fait des autres parties à la procédure et soumise à un risque de sanction bien plus élevé. Ce n’est pas sans poser des questions en matière de droits de la défense.

Sur ce point encore, on relèvera que le projet de communiqué prévoit seulement la possibilité pour le Rapporteur général d’informer les autres parties mises en cause dans l’hypothèse dans laquelle l’une des parties en cause aurait conclu un procès-verbal de transaction.

Au regard des conséquences certaines qu’aura la conclusion d’une telle transaction sur l’appréciation des faits par l’Autorité, il serait bon que le Rapporteur général soit tenu d’informer les autres parties mises en cause d’une telle éventualité.

Enfin, on comprend que le Collège de l’Autorité ne sera pas tenu par les limites définies lors de la transaction par le Rapporteur général dans l’hypothèse dans laquelle il n’est pas convaincu par les engagements souscrits par la partie en cause. Le projet de communiqué introduit ici une incertitude si les engagements souscrits s’avéraient insuffisants aux yeux du Collège.

Cette réserve apparaît inappropriée, elle ruine la force de la transaction qui pourrait ainsi être remise en cause.

Le projet de communiqué est disponible sur le site Internet de l’Autorité et les contributions acceptées jusqu’au 30 avril 2018.